D’eau à do
Jean Echenoz

Prologue

Nous étions au premier jour d’août et Anthime a laissé traîner un coup d’oeil sur le panorama : depuis cette colline où il se trouvait seul, il a vu s’égrener cinq ou six bourgs, conglomérats de maisons basses agglutinées sous un beffroi, raccordés par un fin réseau routier sur lequel circulaient moins de très rares automobiles que de chars à boeufs et de chevaux attelés, transportant les moissons céréalières. C’était sans doute un plaisant paysage, quoique momentanément troublé par cette irruption venteuse, bruyante, vraiment inhabituelle pour la saison et qui, contraignant Anthime à maintenir sa visière, occupait tout l’espace sonore. On n’entendait rien d’autre que cet air en mouvement, il était quatre heures de l’après-midi.

D’eau à do
Julien

Après avoir embrassé l’étendue du paysage qu’il...

Après avoir embrassé l’étendue du paysage qu’il surplombait, Anthime décida de reprendre la route. La traversée de ces généreuses terres agricoles, dont le sol se nourrit des pluies intenses auxquelles sont habituées les paysans de ce coin des Flandres, lui rappela l’impérieuse nécessité de répondre à la sensation de soif qui l’habitait depuis le début de l’après-midi. La recherche d’un point d’eau devenait ainsi une quête qui primerait sur celle de rejoindre la ville.

D’eau à do
science-fiction

L’oasis de la vie

Il erra pendant encore plusieurs heures à la recherche d’un point d’eau afin d’étancher sa soif. Sans succès.
Il avait l’impression qu’à chacun de ses pas, son corps se vidait un peu plus de l’eau qu’il contenait. Et à chaque millilitre qui s’évaporait, il sentait qu’un peu de sa vie s’en allait avec.
Mais comment s’était-il trouvé dans cette galère ! Ah ! Du Molière ! Les cours de français à l’école lui reviennent en mémoire ! C’est le début de la fin... Quand on régresse dans les souvenirs du passé brumeux de l’enfance, c’est que la mort est proche. La boucle de la vie est bouclée.
Si seulement sa fin pouvait aussi entraînée celle de ce monde de fous où la vie n’a plus aucun sens ni plus aucune valeur !
La fin... Il voulait connaître la fin de son histoire. La fin de cette Grande Histoire.

D’eau à do
Blandine

le choix

D’ailleurs, quel était son rôle dans cette histoire. Assoiffé, il scrute le paysage à la recherche d’un indice prometteur d’eau, assoiffé de sens, il mène sa quête sur son existence. Perdu dans ses pensées son corps avance, l’emmenant au hasard. Son esprit, quant à lui, erre dans les méandres de son existence. Méandres ... n’est-ce point un semblant de lit de rivière qu’il aperçoit au loin ? Son corps appelle, pourquoi ne dévie-t-il pas son chemin ?

Il s’arrête.

Qui est-il, lui ? que fait-il dans ce monde ?
Que deviendra sa propre histoire s’il décide d’ignorer cette potentialité salvatrice, qu’il continue tout droit, juste comme ça, laissant le hasard lui prouver qu’il a une place dans la Grande Histoire ?
Anthime ne sait plus, et si cette fin arrivait là, maintenant, qu’y aurait-il à en retenir ?

alors, doucement il s’assoit simplement là, au bord du chemin, et ferme les yeux.

La brise souffle, il sent sur son corps cette douce caresse, la même que celle de sa mère lorsqu’il était enfant.

D’eau à do
Danielle

L’avenir ?

il se revoit, penché à la fenêtre de sa chambre et sa mémoire se mit à dérouler le film de toutes ces années, celles de l’enfance, joyeuses et sans soucis, puis l’adolescence, où tant de questions se posaient. Il n’avait pas vu passer le temps et soudain, il était adulte et devait décider de la suite de son avenir. Il y avait tant de possibilités, il lui aurait fallu l’expérience de deux ou trois vies, pour pouvoir choisir ...
Personne ne pouvait le conseiller, chacun ayant sa propre personnalité.
Il ouvrit les yeux et s’attarda longuement sur le magnifique paysage qui s’étendait devant lui. Il réalisa alors, que seule la musique pouvait décrire ce qu’il ressentait, comme si un chemin lumineux s’ouvrait, menant à un univers sans fin, loin, au-delà de sa vie.
Il comprit.
Il serait musicien.

D’eau à do
Kasylka

Tan tan tan tan

Un bruit soudain le tira de sa rêverie. Il leva lentement la tête et se retrouva nez à nez avec un cheval de labour dont le souffle chaud fétide le poussa à se relever précipitamment. Avait-il pensé à couper le gaz de sa cuisinière ?
Au loin, un nuage noir enveloppait l’horizon, tel un présage funeste. Vite, il enfourcha le cheval qui d’un hennissement manifesta son désaccord. D’un coup de rein violent, il éjecta Anthime. Bon an mal an, il se raccrocha à une branche qui, dans un craquement infernal, se rompit, ne lui laissant en main qu’un bout de bois, tel un archet de violoncelle.
Armé de ce signe du destin, il s’élança, telle une Walkyrie wagnérienne, vers sa demeure.

D’eau à do
Julien

Après avoir embrassé l’étendue du paysage qu’il...

Après avoir embrassé l’étendue du paysage qu’il surplombait, Anthime décida de reprendre la route. La traversée de ces généreuses terres agricoles, dont le sol se nourrit des pluies intenses auxquelles sont habituées les paysans de ce coin des Flandres, lui rappela l’impérieuse nécessité de répondre à la sensation de soif qui l’habitait depuis le début de l’après-midi. La recherche d’un point d’eau devenait ainsi une quête qui primerait sur celle de rejoindre la ville.

D’eau à do
science-fiction

L’oasis de la vie

Il erra pendant encore plusieurs heures à la recherche d’un point d’eau afin d’étancher sa soif. Sans succès.
Il avait l’impression qu’à chacun de ses pas, son corps se vidait un peu plus de l’eau qu’il contenait. Et à chaque millilitre qui s’évaporait, il sentait qu’un peu de sa vie s’en allait avec.
Mais comment s’était-il trouvé dans cette galère ! Ah ! Du Molière ! Les cours de français à l’école lui reviennent en mémoire ! C’est le début de la fin... Quand on régresse dans les souvenirs du passé brumeux de l’enfance, c’est que la mort est proche. La boucle de la vie est bouclée.
Si seulement sa fin pouvait aussi entraînée celle de ce monde de fous où la vie n’a plus aucun sens ni plus aucune valeur !
La fin... Il voulait connaître la fin de son histoire. La fin de cette Grande Histoire.

D’eau à do
Blandine

le choix

D’ailleurs, quel était son rôle dans cette histoire. Assoiffé, il scrute le paysage à la recherche d’un indice prometteur d’eau, assoiffé de sens, il mène sa quête sur son existence. Perdu dans ses pensées son corps avance, l’emmenant au hasard. Son esprit, quant à lui, erre dans les méandres de son existence. Méandres ... n’est-ce point un semblant de lit de rivière qu’il aperçoit au loin ? Son corps appelle, pourquoi ne dévie-t-il pas son chemin ?

Il s’arrête.

Qui est-il, lui ? que fait-il dans ce monde ?
Que deviendra sa propre histoire s’il décide d’ignorer cette potentialité salvatrice, qu’il continue tout droit, juste comme ça, laissant le hasard lui prouver qu’il a une place dans la Grande Histoire ?
Anthime ne sait plus, et si cette fin arrivait là, maintenant, qu’y aurait-il à en retenir ?

alors, doucement il s’assoit simplement là, au bord du chemin, et ferme les yeux.

La brise souffle, il sent sur son corps cette douce caresse, la même que celle de sa mère lorsqu’il était enfant.

D’eau à do
Danielle

L’avenir ?

il se revoit, penché à la fenêtre de sa chambre et sa mémoire se mit à dérouler le film de toutes ces années, celles de l’enfance, joyeuses et sans soucis, puis l’adolescence, où tant de questions se posaient. Il n’avait pas vu passer le temps et soudain, il était adulte et devait décider de la suite de son avenir. Il y avait tant de possibilités, il lui aurait fallu l’expérience de deux ou trois vies, pour pouvoir choisir ...
Personne ne pouvait le conseiller, chacun ayant sa propre personnalité.
Il ouvrit les yeux et s’attarda longuement sur le magnifique paysage qui s’étendait devant lui. Il réalisa alors, que seule la musique pouvait décrire ce qu’il ressentait, comme si un chemin lumineux s’ouvrait, menant à un univers sans fin, loin, au-delà de sa vie.
Il comprit.
Il serait musicien.

D’eau à do
Kasylka

Tan tan tan tan

Un bruit soudain le tira de sa rêverie. Il leva lentement la tête et se retrouva nez à nez avec un cheval de labour dont le souffle chaud fétide le poussa à se relever précipitamment. Avait-il pensé à couper le gaz de sa cuisinière ?
Au loin, un nuage noir enveloppait l’horizon, tel un présage funeste. Vite, il enfourcha le cheval qui d’un hennissement manifesta son désaccord. D’un coup de rein violent, il éjecta Anthime. Bon an mal an, il se raccrocha à une branche qui, dans un craquement infernal, se rompit, ne lui laissant en main qu’un bout de bois, tel un archet de violoncelle.
Armé de ce signe du destin, il s’élança, telle une Walkyrie wagnérienne, vers sa demeure.