Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Colin Niel

Prologue

Quand Antoine ouvrit les yeux, il se dit que c’était déjà trop tard. Que le prédateur avait décimé le troupeau. Cette fois ça y est, pensa-t-il. Tu voulais le voir ton loup, hé bien il est là. Tout près de toi. Derrière le mur de la cabane, dans la nuit tombée sur la prairie, les bruits déchiraient le silence des altitudes. Des bruits comme jamais il n’en avait entendu en trois semaines de gardiennage. Ça hurlait à la mort, ça courait dans tous les sens, ça se bousculait pour sauver sa peau, ça défonçait les clôtures qu’il avait pourtant vérifiées la veille avant de parquer les brebis. Il écouta le carnage depuis le fond de son sac de couchage, se demanda où était passé le patou, ce qu’il foutait ce chien censé protéger les bestiaux contre les attaques du carnivore.

Antoine se souvint de la fois où l’éleveur qui l’avait recruté lui en avait parlé, du loup. C’était la première fois qu’il faisait le berger, son premier été sur les alpages. Forcément, l’éleveur, il le regardait un peu de haut, il se demandait s’il pouvait lui faire confiance à ce jeune-là pour garder ses bêtes. Avec son mégot coincé entre ses lèvres, il lui avait dit que si le loup s’en prenait au troupeau, il n’y avait qu’une chose à faire c’était tirer un coup de fusil. Que, d’ailleurs, si jamais il en tuait un, ce n’était pas si grave, qu’il fallait juste faire en sorte que jamais ça ne se sache. Antoine n’avait rien répondu ce jour-là, il s’était demandé si l’éleveur était sérieux ou s’il disait ça pour le faire flipper. Il se disait que s’il faisait tout bien comme il fallait, le patou, les enclos, tout ça, il n’y avait aucune raison qu’il attaque, le loup. Il en rêvait même un peu de cet animal mythique dont tout le monde parlait dans la vallée, il espérait l’apercevoir un jour au détour d’un chemin, fier et furtif sur ses quatre pattes.

Mais là, ce n’était pas un rêve. Le loup était bien là.

Et il tuait.

Antoine attendit un long instant, pétrifié par le vacarme. Mais ça durait, ça durait, dehors les brebis continuaient de se faire dévorer. Alors, les doigts tremblants, il fit glisser la fermeture Éclair du duvet, se redressa sous le toit de la petite cabane. Il s’habilla en vitesse dans les cris des bêtes, empoigna le fusil en se
jurant que jamais il ne tirerait sur un loup, que c’était juste pour lui faire peur.

Et d’une paume hésitante, il poussa la porte de bois...

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
requinou

La rencontre...

et vit que les brebis n’étaient plus là. Il vit la boue, et vit des traces de brebis qui semblaient s’éloigner...Il s’accrocha à son fusil, et suivit les traces...Il marcha si doucement que ce qu’il faisait habituellement en 10min lui prit une bonne demi heure. Il n’arrivait pas à se résoudre à voir ce massacre.
Les hurlements des brebis continuaient à se faire entendre. Il s’approcha doucement des bruits. Il s’arreta derrière un gros rocher pour bien les observer. Elles étaient bien là, avec un gros loup... bien plus gros que ce qu’il n’avait jamais imaginé. Surpris, il observa également un homme, barbu et muni d’une hache... L’homme s’approcha délicatement des brebis affolées.…

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Eline13

La fuite

Antoine s’enfuit en courant terrifié. Une heure plus tard, il était perdu. Il progressait à tâtons dans le noir. Il fouilla dans sa poche à la recherche d’un outil qui pourrait lui être utile : on lui reprochait souvent cette manie qu’il avait de mettre tout et n’importe quoi dans les poches de sa salopette. Il y trouva un briquet, il le sortit, l’alluma, et, à la lueur de la flame il chercha une branche sèche pour en faire une torche. Cet éclairage sommaire lui permit de se repérer. Il se trouvait dans une étrange clairière entourée de grands sapins verts-pomme. Derrière lui, un petit sentier sinueux descendait vers une destination qu’il n’avait jamais empruntée. Il décida de le suivre. Quelques minutes plus tard, une petite brise se leva et pour son plus grand malheur, la flame protectrice de sa torche s’éteignit. Il progressait dans le noir quand il butta sur un petit rocher qui dépassait du chemin. Assommé et inconscient, il se réveilla un peu plus tard, le soleil brillait au-dessus de sa tête et ses jambes étaient à moitié immergées dans l’eau froide d’un lac. Ce lac, il le connaissait. Il venait ici tous les étés avec sa famille. C’était le lac Niel. Il était d’un bleu clair comme le ciel et d’une transparence incroyable comme du verre, on voyait les petits galets blancs et gris qui en tapissaient le fond ainsi que des truites et des carpes qui nageaient avec grâce dans ce lac qui s’étendait à perte de vue, à partir de là il savait comment retourner à la bergerie. Il remonta le cours de la rivière Colin, qui devait son nom aux nombreuses collines qu’il traversait. L’eau était limpide et peu profonde. Il put se désaltérer mais il n’avait rien à manger. Une demi-heure plus tard, il se trouva sur une petite colline où la forêt se faisait de moins en moins dense. Malheureusement la faim commençait à se faire sentir. Il fouilla dans ses poches à la recherche de quelque chose à manger et trouva un petit paquet de gâteaux secs. Une fois rassasié, il remarqua que le ciel était en train de se couvrir. Il se releva d’un bond et se mit à courir. Il fallait qu’il se dépêche sinon il serait trempé et il lui restait au moins une demi-heure de marche avant d’arriver à la bergerie, vingt minutes s’il courait. Un quart d’heure plus tard il était en vue de sa bergerie mais il avait oublié que les loups l’encerclaient toujours. Il fit alors un grand détour et entra dans la bergerie en escaladant le toit de la grange. Une fois à l’intérieur, il s’empara du fusil, se décida à effrayer les loups une bonne fois pour toute et poussa la porte de la bergerie. Fusil à la main, il tira quelques coups en l’air et effrayé par le bruit rentra précipitamment dans la bergerie. Quelques secondes plus tard, Antoine entendit les loups qui s’enfuyaient. Il se félicita de son courage et il sortit. Une fois dehors, il constata que deux moutons avaient disparus, peut-être qu’ils étaient morts et que tous les autres étaient affolés et entassés au fond de la bergerie. Là c’est sûr il avait tout foiré et il allait être renvoyé. Puis il se rappela alors que ça faisait longtemps qu’il n’avait pas vu le Patou qui était censé protéger le troupeau des loups. Finalement le Patou aussi était fautif, il n’avait servi à rien. Il s’était certainement enfuit en voyant arriver les loups. Quel lâche ! Et puis de toute façon, Antoine s’en fichait. Il n’aimait pas les chiens. Encore moins le Patou, débile, qui était censé garder le troupeau et par sa faute il allait se faire virer. En fait, il pouvait toujours se faire renvoyer, il était venu là juste pour payer ses études. Et puis, pourquoi se ferait-il virer ? Personne ne voulait être berger l’été et les propriétaires des bêtes avaient besoin de quelqu’un pour les garder. Ou peut-être trouverait -il quelqu’un, qui comme lui, avait fait l’erreur de se proposer et qui ne savait pas ce qui l’attendait. Il n’aurait pas dû venir. Il aurait pu faire baby-sitter ou livreur, mais non, il s’était proposé comme berger et il avait tout foiré

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Robinhood

Le rêve

Au bout de quelques heures, il se sentit très fatigué : ses paupières devenaient de plus en plus lourdes, des bâillements irréguliers se firent de plus en plus fréquents, ses jambes avaient de plus en plus de mal à le supporter. Soudain, il s’affaissa lourdement et s’endormit profondément. Dans son esprit, Il lui sembla que les loups avaient cessé leurs hurlements. Ils s’allongeaient lentement dans l’herbe. Au loin, il aperçu une lumière intense qui éclairait le ciel, une lueur verte intense d’un vert éblouissant. Petit à petit ce halo se rapprocha et les loups se mirent à gémir, envahis par la peur. Antoine commença à reprendre espoir à la vue de ces loups qui semblaient tétanisés. Mais une autre peur se faisait jour : qu’y avait-il derrière cette lumière ? Certains loups commencèrent à ramper vers lui dans l’espoir d’être protégés, et l’un d’entre eux se mit même à lui lécher les pieds. L’impression d’humidité le réveilla en sursaut : il rêvait ! La gouttière au-dessus de lui lâchait quelque goutes d’eau qui tombaient sur ses pieds. Il revint rapidement à la réalité. IL se souvint qu’il y avait dans la grange, un téléphone cellulaire dont tout le monde disait qu’il ne fonctionnait pas, mais il restait branché, « au cas où ». Mais pour au moins faire un essai, il fallait de toute façon aller dans la grange et là c’était une autre histoire, car elle se trouvait de l’autre côté de l’enclos et la présence des loups si proches, le paralysait littéralement.

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Nolmi

Epilogue

Antoine suffoquait. Une sueur froide glissait le long de sa colonne vertébrale. Qu’il aurait aimé être ailleurs, loin, très loin.
Une colère ancienne ravivait le feu en lui. Il avait toujours pris les mauvaises décisions, avait toujours emprunté le mauvais chemin, avait toujours choisi les mauvaises solutions. Depuis tout petit.
S’il était là, cette nuit froide et humide, c’était encore parce qu’il n’avait pas su prendre une orientation professionnelle plus adaptée à son caractère, à son humeur bancale.
Cette colère formait une boule à l’intérieur, une boule douloureuse qu’il lui fallait faire jaillir hors de lui, vomir.
Le fusil à la main, il avait envie de tirer. Un coup. Un seul. Juste pour expulser cette douleur.
Il oublia la grange, porta le fusil et le positionna pour tirer en l’air. Le bruit devrait faire fuir les loups. Le chef s’enfuirait. Forcément. Il emmènerait avec lui, dans sa fuite, ses compères.
Antoine plissa les yeux. Sourcils froncés, narines grandes ouvertes, attentif, il faisait maintenant chaque geste en prenant son temps. Il ne recouvrait pas son calme, la colère le paralysait et lui imposait une temporalité nouvelle.
Cette nuit, il allait, pour la première fois, faire quelque chose qu’on n’avait pas décidé pour lui, qu’on ne lui avait pas conseillé, que personne ne lui avait imposé. Cette nuit, il prendrait un fusil et tirerait.
Progressivement, Antoine fit couler le fusil le long de son bras. Il ne visait plus le ciel, il laissait tranquille les étoiles. Non, il ne tirerait pas en l’air. Les étoiles étaient sa lumière. Les étoiles n’étaient pas dangereuses, elles. Au contraire, elles lui permettaient de rêver, de marcher la nuit sur les chemins caillouteux. Elles éclairaient sa vie, ses nuits trop souvent agitées, depuis toujours.
Il visa le loup et, froidement, presque mécaniquement, sans avoir pourtant jamais eu de cours ou de démonstration, il tira.
Le loup fut abattu brutalement. Sans un autre bruit que celui de la balle qui le percuta en plein ventre.
Antoine sourit. La boule qui faisait mal était dorénavant logée dans le loup. Il avait tué le loup mais avait sauvé le reste de brebis encore vivantes. Et il s’était sauvé, lui. Oui.Il était donc capable d’une telle action. Il avait choisi. Il avait fait ce que peu d’hommes font au cours de leur vie. Cette idée le réchauffait.
Un large sourire couvrait alors son visage.
Les loups partaient progressivement. Les brebis restaient silencieuses.
Antoine posa son fusil au sol.
Les loups reviendraient. Ou ne reviendraient pas. Mais lui était là, près.
Cette nuit, il allait peut être bien dormir.

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Fin

Fin

 Fin -

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
requinou

La rencontre...

et vit que les brebis n’étaient plus là. Il vit la boue, et vit des traces de brebis qui semblaient s’éloigner...Il s’accrocha à son fusil, et suivit les traces...Il marcha si doucement que ce qu’il faisait habituellement en 10min lui prit une bonne demi heure. Il n’arrivait pas à se résoudre à voir ce massacre.
Les hurlements des brebis continuaient à se faire entendre. Il s’approcha doucement des bruits. Il s’arreta derrière un gros rocher pour bien les observer. Elles étaient bien là, avec un gros loup... bien plus gros que ce qu’il n’avait jamais imaginé. Surpris, il observa également un homme, barbu et muni d’une hache... L’homme s’approcha délicatement des brebis affolées.…

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Eline13

La fuite

Antoine s’enfuit en courant terrifié. Une heure plus tard, il était perdu. Il progressait à tâtons dans le noir. Il fouilla dans sa poche à la recherche d’un outil qui pourrait lui être utile : on lui reprochait souvent cette manie qu’il avait de mettre tout et n’importe quoi dans les poches de sa salopette. Il y trouva un briquet, il le sortit, l’alluma, et, à la lueur de la flame il chercha une branche sèche pour en faire une torche. Cet éclairage sommaire lui permit de se repérer. Il se trouvait dans une étrange clairière entourée de grands sapins verts-pomme. Derrière lui, un petit sentier sinueux descendait vers une destination qu’il n’avait jamais empruntée. Il décida de le suivre. Quelques minutes plus tard, une petite brise se leva et pour son plus grand malheur, la flame protectrice de sa torche s’éteignit. Il progressait dans le noir quand il butta sur un petit rocher qui dépassait du chemin. Assommé et inconscient, il se réveilla un peu plus tard, le soleil brillait au-dessus de sa tête et ses jambes étaient à moitié immergées dans l’eau froide d’un lac. Ce lac, il le connaissait. Il venait ici tous les étés avec sa famille. C’était le lac Niel. Il était d’un bleu clair comme le ciel et d’une transparence incroyable comme du verre, on voyait les petits galets blancs et gris qui en tapissaient le fond ainsi que des truites et des carpes qui nageaient avec grâce dans ce lac qui s’étendait à perte de vue, à partir de là il savait comment retourner à la bergerie. Il remonta le cours de la rivière Colin, qui devait son nom aux nombreuses collines qu’il traversait. L’eau était limpide et peu profonde. Il put se désaltérer mais il n’avait rien à manger. Une demi-heure plus tard, il se trouva sur une petite colline où la forêt se faisait de moins en moins dense. Malheureusement la faim commençait à se faire sentir. Il fouilla dans ses poches à la recherche de quelque chose à manger et trouva un petit paquet de gâteaux secs. Une fois rassasié, il remarqua que le ciel était en train de se couvrir. Il se releva d’un bond et se mit à courir. Il fallait qu’il se dépêche sinon il serait trempé et il lui restait au moins une demi-heure de marche avant d’arriver à la bergerie, vingt minutes s’il courait. Un quart d’heure plus tard il était en vue de sa bergerie mais il avait oublié que les loups l’encerclaient toujours. Il fit alors un grand détour et entra dans la bergerie en escaladant le toit de la grange. Une fois à l’intérieur, il s’empara du fusil, se décida à effrayer les loups une bonne fois pour toute et poussa la porte de la bergerie. Fusil à la main, il tira quelques coups en l’air et effrayé par le bruit rentra précipitamment dans la bergerie. Quelques secondes plus tard, Antoine entendit les loups qui s’enfuyaient. Il se félicita de son courage et il sortit. Une fois dehors, il constata que deux moutons avaient disparus, peut-être qu’ils étaient morts et que tous les autres étaient affolés et entassés au fond de la bergerie. Là c’est sûr il avait tout foiré et il allait être renvoyé. Puis il se rappela alors que ça faisait longtemps qu’il n’avait pas vu le Patou qui était censé protéger le troupeau des loups. Finalement le Patou aussi était fautif, il n’avait servi à rien. Il s’était certainement enfuit en voyant arriver les loups. Quel lâche ! Et puis de toute façon, Antoine s’en fichait. Il n’aimait pas les chiens. Encore moins le Patou, débile, qui était censé garder le troupeau et par sa faute il allait se faire virer. En fait, il pouvait toujours se faire renvoyer, il était venu là juste pour payer ses études. Et puis, pourquoi se ferait-il virer ? Personne ne voulait être berger l’été et les propriétaires des bêtes avaient besoin de quelqu’un pour les garder. Ou peut-être trouverait -il quelqu’un, qui comme lui, avait fait l’erreur de se proposer et qui ne savait pas ce qui l’attendait. Il n’aurait pas dû venir. Il aurait pu faire baby-sitter ou livreur, mais non, il s’était proposé comme berger et il avait tout foiré

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Robinhood

Le rêve

Au bout de quelques heures, il se sentit très fatigué : ses paupières devenaient de plus en plus lourdes, des bâillements irréguliers se firent de plus en plus fréquents, ses jambes avaient de plus en plus de mal à le supporter. Soudain, il s’affaissa lourdement et s’endormit profondément. Dans son esprit, Il lui sembla que les loups avaient cessé leurs hurlements. Ils s’allongeaient lentement dans l’herbe. Au loin, il aperçu une lumière intense qui éclairait le ciel, une lueur verte intense d’un vert éblouissant. Petit à petit ce halo se rapprocha et les loups se mirent à gémir, envahis par la peur. Antoine commença à reprendre espoir à la vue de ces loups qui semblaient tétanisés. Mais une autre peur se faisait jour : qu’y avait-il derrière cette lumière ? Certains loups commencèrent à ramper vers lui dans l’espoir d’être protégés, et l’un d’entre eux se mit même à lui lécher les pieds. L’impression d’humidité le réveilla en sursaut : il rêvait ! La gouttière au-dessus de lui lâchait quelque goutes d’eau qui tombaient sur ses pieds. Il revint rapidement à la réalité. IL se souvint qu’il y avait dans la grange, un téléphone cellulaire dont tout le monde disait qu’il ne fonctionnait pas, mais il restait branché, « au cas où ». Mais pour au moins faire un essai, il fallait de toute façon aller dans la grange et là c’était une autre histoire, car elle se trouvait de l’autre côté de l’enclos et la présence des loups si proches, le paralysait littéralement.

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Nolmi

Epilogue

Antoine suffoquait. Une sueur froide glissait le long de sa colonne vertébrale. Qu’il aurait aimé être ailleurs, loin, très loin.
Une colère ancienne ravivait le feu en lui. Il avait toujours pris les mauvaises décisions, avait toujours emprunté le mauvais chemin, avait toujours choisi les mauvaises solutions. Depuis tout petit.
S’il était là, cette nuit froide et humide, c’était encore parce qu’il n’avait pas su prendre une orientation professionnelle plus adaptée à son caractère, à son humeur bancale.
Cette colère formait une boule à l’intérieur, une boule douloureuse qu’il lui fallait faire jaillir hors de lui, vomir.
Le fusil à la main, il avait envie de tirer. Un coup. Un seul. Juste pour expulser cette douleur.
Il oublia la grange, porta le fusil et le positionna pour tirer en l’air. Le bruit devrait faire fuir les loups. Le chef s’enfuirait. Forcément. Il emmènerait avec lui, dans sa fuite, ses compères.
Antoine plissa les yeux. Sourcils froncés, narines grandes ouvertes, attentif, il faisait maintenant chaque geste en prenant son temps. Il ne recouvrait pas son calme, la colère le paralysait et lui imposait une temporalité nouvelle.
Cette nuit, il allait, pour la première fois, faire quelque chose qu’on n’avait pas décidé pour lui, qu’on ne lui avait pas conseillé, que personne ne lui avait imposé. Cette nuit, il prendrait un fusil et tirerait.
Progressivement, Antoine fit couler le fusil le long de son bras. Il ne visait plus le ciel, il laissait tranquille les étoiles. Non, il ne tirerait pas en l’air. Les étoiles étaient sa lumière. Les étoiles n’étaient pas dangereuses, elles. Au contraire, elles lui permettaient de rêver, de marcher la nuit sur les chemins caillouteux. Elles éclairaient sa vie, ses nuits trop souvent agitées, depuis toujours.
Il visa le loup et, froidement, presque mécaniquement, sans avoir pourtant jamais eu de cours ou de démonstration, il tira.
Le loup fut abattu brutalement. Sans un autre bruit que celui de la balle qui le percuta en plein ventre.
Antoine sourit. La boule qui faisait mal était dorénavant logée dans le loup. Il avait tué le loup mais avait sauvé le reste de brebis encore vivantes. Et il s’était sauvé, lui. Oui.Il était donc capable d’une telle action. Il avait choisi. Il avait fait ce que peu d’hommes font au cours de leur vie. Cette idée le réchauffait.
Un large sourire couvrait alors son visage.
Les loups partaient progressivement. Les brebis restaient silencieuses.
Antoine posa son fusil au sol.
Les loups reviendraient. Ou ne reviendraient pas. Mais lui était là, près.
Cette nuit, il allait peut être bien dormir.

Histoire 853 - Un loup dans la bergerie
Fin

Fin

 Fin -