Elle se leva, traversant la pièce sombre. La main tremblante, elle introduisit la clé dans la serrure de la porte en bois presque noir. Cette dernière grinça fortement quand elle la tira vers l’exterieur -car cette porte, fait étrange, s’ouvrait vers l’exterieur-.
Un grand homme pâle, aux yeux tout aussi pâles, l’attendait sur le palier. Une lueur étrange sur le visage, il s’adressa à elle, calmement, d’une voix grave et rocailleuse
Prologue
La fenêtre s’est ouverte d’un coup, en grand, un bruit sec, le vent avait poussé derrière les vitres — le vent ou autre chose d’invisible et d’obstiné, une force en tout cas —, les battants ont rebondi contre le mur, les vitres ont tremblé sans se fendre et, dans la pièce, des papiers se sont envolés sur le bureau, les cendres ont voltigé au-dessus du cendrier. Elle a levé la tête, étonnée, a regardé dehors, la façade de l’immeuble de l’autre côté de la rue, les toits, le ciel d’octobre, puis s’est levée pour aller voir. Rue calme, milieu d’après-midi en creux dans la course du jour, pas un chat mais une corneille là, sur la gouttière d’en face, qui avançait martiale, la queue noire, rigide, un frac, marchait comme un homme, et et soudain tourna la tête pour regarder la jeune fille qui referma illico la fenêtre, frissonnante, en prenant garde, cette fois, à fermer la crémone.
Elle retourna s’asseoir à son bureau. Une feuille d’arbre avait atterri sur le clavier de l’ordinateur, une feuille déposée par le vent — du moins c’est ce qu’elle pensa. Elle la fit tourner entre ses doigts pour l’observer recto verso : brune et sèche, nervurée de rouge sombre, elle avait la forme d’une main ouverte, — c’est drôle songea la jeune fille, c’est étrange qu’une feuille, si légère soit-elle, puisse s’élever jusqu’au sixième étage d’un immeuble, soit une ascension d’environ trente mètres, quand les feuilles d’automne, c’est bien connu, emportées par le vent, tombent en tourbillonnant au ras du macadam comme dans les comptines. Après avoir l’avoir regardée une dernière fois, la jeune fille glissa la feuille dans le premier livre qu’elle trouva à portée de main — Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, une vieille édition illustrée qu’elle avait trouvé la veille chez un libraire de la rue de la Grange aux Belles et acheté pour son frère, spéléologue en Ardèche et trentenaire dans cinq jours —, jeta un coup d’œil à sa montre, ramassa ses cheveux en boule derrière sa nuque, y planta un pinceau, s’alluma une cigarette avant de reprendre la traduction en cours — la notice technique furieusement détaillée d’une lampe torche révolutionnaire. Mais, à peine avait-elle recommencé à travailler que l’on sonna à la porte. La jeune fille posa sa cigarette et se leva pour aller ouvrir, agacée : elle n’attendait personne et à ce rythme n’aurait jamais fini de traduire la notice avant dix-huit heures, l’éditrice — une grande bringue autoritaire — le lui reprocherait, et elle risquait de perdre ce petit boulot, rasoir mais devenu indispensable depuis qu’elle avait pris ce studio rue des Vinaigriers dans l’urgence, il y a trois semaines.
La raison
Par cette voix, c’est toute une époque qui lui...
Par cette voix, c’est toute une époque qui lui revenait en pleine face. Elle se sentit alors étrangement minuscule, fragile. Pendant toutes ces années, elle s’était crue à l’abri de ses propres souvenirs - une amnésie apaisante dans laquelle elle s’était emmitouflée.
Puis son abattement laissa place à la colère. Pourquoi aujourd’hui, maintenant, chez elle ? Elle savait ce que la venue de cet homme signifiait et elle n’en avait pas envie. Pas aujourd’hui.
Elle l’invita à entrer du regard, jeta un coup d’œil rapide dans le hall et referma soigneusement la porte de l’appartement sur eux.
Les feuilles changent
Un homme, oui. Mais il ressemblait à une figure connue, un vieux souvenir, une réalité perdue, une couleur, un reflet d’enfance, une errance. Pourquoi le faire rentrer. Et ces feuilles rouges qui montent toujours au 6 étage. Sur le chemin de sa vie, elle avait rencontré beaucoup de personnalités des plus étranges. Mais pourquoi ce changement dans le comportement des feuilles ?
Futur
Zut !!! Gouré de siècle !!! J’avais pourtant bien programmé mon I travel in time, et me voilà face à sophie, seule traductrice du futur... Bon comment lui expliquer les tuiles qui vont pleuvoir sur sa civilisation, comment lui indiquer les chemins salvateurs ??? Je vais à nouveau déclencher le message subliminal des feuilles... Allez comprend, comprenez... aidez la nature et l’homme... bon je vais faire régler mon vaisseau...
Le doute
Il disparut soudain, sans même faire de bruit. En un instant sa silhouette massive s’évapora, comme si il n’avait été qu’une feuille morte, parmi toutes les autres. Elle recula, lentement, ne s’autorisant aucune pensée. Le vent soufflait moins fort à présent, les feuilles avaient cessé de tourbillonner et se déposaient, une par une, sur le sol du pallier. Réel, ou non ? Si elle s’en référait aux lois de la raison, des sciences, de tout ce que l’humanité avait pu produire de rationnel, cet individu, ne pouvait pas exister. Il ne pouvait qu’être qu’un fruit de son imagination, de son esprit un peu embrumé par la fumée de cigarette et les mots dansants de la notice à rédiger. Mais que disaient ses yeux ? Ses sens ? Elle l’avait vu, avait fait l’expérience concrète, physique de sa présence. La vérité lui parut aussi flottante et changeante que le souffle du vent : impossible à saisir. Ses mains tremblaient légèrement, enfoncées au fond de ses poches. Elle se saisit maladroitement d’une cigarette, et tenta de l’introduire dans sa bouche. Ses lèvres sèches craquelèrent un peu, mais alors que le goût si particulier du tabac mélangé au papier envahit sa bouche, un doute l’assaillit. Brutal, inattendu. Le vent se leva de nouveau, les feuilles mortes reprirent leur danse. Et si ses doigts la trompaient ? Et si sa bouche la trompait ? Et si ses sens la trompaient ? Ses yeux avaient vu une créature irréelle, ses oreilles l’avaient entendue. Ils n’avaient pu que lui mentir. Comment savoir ? Comment acquérir une quelconque certitude ? Comment percevoir une réalité fiable ? Elle retira quoi que ce put être qu’elle avait mis dans sa bouche, et recula rapidement. Tenant fermement sa tête entre ses mains, elle se mit à penser, réfléchir, se fiant à ce qu’elle voyait comme seule source de vérité possible : ’’ Je pense. Je peux penser, donc j’existe. ’’ Dehors, le vent souffla brusquement avec férocité, et la notice si soigneusement écrite s’envola avant de disparaître par la fenêtre.
La raison
Elle se leva, traversant la pièce sombre. La main tremblante, elle introduisit la clé dans la serrure de la porte en bois presque noir. Cette dernière grinça fortement quand elle la tira vers l’exterieur -car cette porte, fait étrange, s’ouvrait vers l’exterieur-.
Un grand homme pâle, aux yeux tout aussi pâles, l’attendait sur le palier. Une lueur étrange sur le visage, il s’adressa à elle, calmement, d’une voix grave et rocailleuse
Par cette voix, c’est toute une époque qui lui...
Par cette voix, c’est toute une époque qui lui revenait en pleine face. Elle se sentit alors étrangement minuscule, fragile. Pendant toutes ces années, elle s’était crue à l’abri de ses propres souvenirs - une amnésie apaisante dans laquelle elle s’était emmitouflée.
Puis son abattement laissa place à la colère. Pourquoi aujourd’hui, maintenant, chez elle ? Elle savait ce que la venue de cet homme signifiait et elle n’en avait pas envie. Pas aujourd’hui.
Elle l’invita à entrer du regard, jeta un coup d’œil rapide dans le hall et referma soigneusement la porte de l’appartement sur eux.
Les feuilles changent
Un homme, oui. Mais il ressemblait à une figure connue, un vieux souvenir, une réalité perdue, une couleur, un reflet d’enfance, une errance. Pourquoi le faire rentrer. Et ces feuilles rouges qui montent toujours au 6 étage. Sur le chemin de sa vie, elle avait rencontré beaucoup de personnalités des plus étranges. Mais pourquoi ce changement dans le comportement des feuilles ?
Futur
Zut !!! Gouré de siècle !!! J’avais pourtant bien programmé mon I travel in time, et me voilà face à sophie, seule traductrice du futur... Bon comment lui expliquer les tuiles qui vont pleuvoir sur sa civilisation, comment lui indiquer les chemins salvateurs ??? Je vais à nouveau déclencher le message subliminal des feuilles... Allez comprend, comprenez... aidez la nature et l’homme... bon je vais faire régler mon vaisseau...
Le doute
Il disparut soudain, sans même faire de bruit. En un instant sa silhouette massive s’évapora, comme si il n’avait été qu’une feuille morte, parmi toutes les autres. Elle recula, lentement, ne s’autorisant aucune pensée. Le vent soufflait moins fort à présent, les feuilles avaient cessé de tourbillonner et se déposaient, une par une, sur le sol du pallier. Réel, ou non ? Si elle s’en référait aux lois de la raison, des sciences, de tout ce que l’humanité avait pu produire de rationnel, cet individu, ne pouvait pas exister. Il ne pouvait qu’être qu’un fruit de son imagination, de son esprit un peu embrumé par la fumée de cigarette et les mots dansants de la notice à rédiger. Mais que disaient ses yeux ? Ses sens ? Elle l’avait vu, avait fait l’expérience concrète, physique de sa présence. La vérité lui parut aussi flottante et changeante que le souffle du vent : impossible à saisir. Ses mains tremblaient légèrement, enfoncées au fond de ses poches. Elle se saisit maladroitement d’une cigarette, et tenta de l’introduire dans sa bouche. Ses lèvres sèches craquelèrent un peu, mais alors que le goût si particulier du tabac mélangé au papier envahit sa bouche, un doute l’assaillit. Brutal, inattendu. Le vent se leva de nouveau, les feuilles mortes reprirent leur danse. Et si ses doigts la trompaient ? Et si sa bouche la trompait ? Et si ses sens la trompaient ? Ses yeux avaient vu une créature irréelle, ses oreilles l’avaient entendue. Ils n’avaient pu que lui mentir. Comment savoir ? Comment acquérir une quelconque certitude ? Comment percevoir une réalité fiable ? Elle retira quoi que ce put être qu’elle avait mis dans sa bouche, et recula rapidement. Tenant fermement sa tête entre ses mains, elle se mit à penser, réfléchir, se fiant à ce qu’elle voyait comme seule source de vérité possible : ’’ Je pense. Je peux penser, donc j’existe. ’’ Dehors, le vent souffla brusquement avec férocité, et la notice si soigneusement écrite s’envola avant de disparaître par la fenêtre.